Retour à l'actualité

Étude doctorale

13 avril 2025 Études
Image dun monarque pour mon article scientifique

Introduction

Praticiens et chercheurs s’intéressent aux facteurs susceptibles d’améliorer la performance des projets (Joffre et al., 2006 ; Brady et Davies, 2014) dont la coordination et la collaboration en réponse aux besoins d’implication active des acteurs (Foudriat, 2021). Ce billet rapporte les conclusions d’un projet de recherche MITACS visant à éprouver, par son analyse fonctionnelle dans sept cas de projet, le modèle M9 de la démarche technologique Plan Monark en tant que dispositif de co-construction et d’exécution des projets avec ses parties prenantes.

1. L’importance de la participation collective dans la gestion des parties prenantes

L’évolution de la gestion de projet a fait ressortir la nécessité d’une vision inclusive des parties prenantes (Eskerod et al., 2016), non pas par un contrôle « des » acteurs (Stalhbrost et Holst, 2012), mais par une gestion « avec et par » les collaborateurs (Lehmann, 2022).

2. Les défis de la collaboration dans les projets

Au cœur de cette gestion se trouve les fonctions de coordination et de leadership du gestionnaire de projet (Garel, 2011). Ladite coordination procède d’un équilibre entre le contrôle et l’adaptation aux imprévus (Chédotel, 2005). Quant au leadership, il peut s’exercer de manière verticale (en la personne du chef de projet) ou horizontale (réparti entre les membres d’équipe) (Müller et al., 2018), mais préférablement de manière équilibrée (Scott-Young et Grisinger, 2019) selon les différentes phases du projet (Müller et al., 2018). Ces fonctions améliorent la collaboration des parties prenantes si elles leur permettent de co-construire le projet les concernant (Foudriat, 2019). Rares sont les dispositifs comme la démarche du modèle M9 qui permettent aux gestionnaires de s’essayer à un tel exercice.

3. L’indicateur de convergence Plan Monark comme outil d’implication (participation) active des acteurs dans les projets

L’échec sans cesse croissant des projets (PMI, 2018) accroît l’importance de la collaboration et de la coordination des parties prenantes, car le défi des dispositifs existants gestion de projet réside dans leur incapacité à impliquer activement les acteurs tout au long du cycle de vie des projets.

La démarche Plan Monark analysée dans cette étude repose sur un dispositif technologique centré sur un indicateur de convergence des perceptions des acteurs durant les phases d’un projet. En vue de favoriser l’amélioration continue, Plan Monark repose sur une succession de sondages aux questions semi-ouvertes qui permettent de recueillir les suggestions des collaborateurs à chacune d’elles (Tableau 1).

Tableau 1 — Les composantes modèle M9 et les phases du cycle de vie d’un projet

Tableau 1

Dans le cadre des cas analysés, chaque phase revêt une utilité particulière en fonction du style de gestion exercé. Selon qu’ils optent pour une stratégie de gestion « par » les parties prenantes (leadership vertical) ou « avec » et « pour » les parties prenantes (leadership horizontal), les gestionnaires utilisent Plan Monark différemment pour satisfaire les besoins de coordination ou de collaboration des parties prenantes de leurs projets. Dans les cas analysés, l’exercice d’un leadership vertical mène le gestionnaire à consulter les acteurs pour obtenir leur feedback. L’indicateur de convergence souligne les écarts de perception pour lesquels il procède seul aux ajustements. Les autres collaborateurs sont tout simplement informés de la démarche à suivre pour la mise œuvre du projet. À contrario, l’exercice d’un leadership partagé (horizontal) mène le gestionnaire à impliquer les acteurs en amont du projet, dès la phase de conception du projet et du questionnaire de sondage. L’analyse des priorités et les plans d’action sont alors collectivement dressés à partir des écarts de perception issus des résultats du sondage que les parties prenantes interprètent ensemble. Dans ce contexte, l’affectation des tâches, la redéfinition des critères de succès et l’amélioration des processus procèdent de la réflexion et de l’action collective à travers la plateforme.

Si Plan Monark permet aux leaders verticaux des parties prenantes de consulter puis d’intégrer les avis de leurs collaborateurs, elle apporte un engagement accru et soutenu des acteurs à ceux ancrés dans l’approche participative (leadership horizontal et de gestion pour et par les parties prenantes).

4. Conclusion : Plan Monark, un essai d’opérationnalisation de la démarche de co-construction

Prenant en considération les défis contemporains de coordination et d’implication active énoncés, Plan Monark les relève en tant que dispositif de co-construction, du fait de promouvoir l’inclusion des parties prenantes plutôt que leur « utilisation » ou « exploitation » (Leyrie et Boivin, 2017).

À noter que la co-construction diffère des processus qui lui sont semblables parce qu’elle implique un degré d’engagement élevé des acteurs en comparaison de la concertation ou de la simple consultation (Foudriat, 2019). Afin d’atteindre la convergence, la co-construction procède d’un processus itératif et délibératif (voir figure 2) d’intercompréhension (Foudriat, 2019).

Figure 2. — Contextualisation du processus itératif de la co-construction dans la démarche Plan Monark

Tableau 2

Pour surmonter les jeux politiques pouvant entrainer l’auto-exclusion de certains acteurs, il importe qu’un dispositif de co-construction comporte les règles, les interventions, les techniques de facilitation et les outils de pilotage des activités (Foudriat, 2021). C’est dans cette dernière catégorie que s’inscrit la démarche Plan Monark puisque les cas analysés ont permis de confirmer la présence et l’utilisation fonctionnelle des cinq attributs d’un dispositif de co-construction, à savoir :

  • La définition et les limites temporelles des échanges;
  • Un espace d’interactions entre les acteurs;
  • L’actualisation des buts par le caractère itératif de la démarche;
  • Des procédés de facilitation d’expression et de recherche de convergence;
  • Des règles de prise de décision et d’exercice du leadership par le paramétrage de la plateforme.

Au terme des études de cas réalisés, seules l’appropriation et l’implémentation des deux dernières sont laissées à la discrétion de l’utilisateur en fonction de sa vision de la gestion des parties prenantes. Il s’avère donc pertinent de reconnaître Plan Monark comme un dispositif qui tend vers la co-construction et dont l’utilisation doit être adaptée aux besoins du gestionnaire, à son style de leadership ainsi qu’à la nature du projet à mener.

Références

Akrich, M. (2013). Co-construction. Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, GIS Démocratie et Participation, pp.1.

Asquin, A., Garel, G. et Picq, T. (2007). Le côté sombre des projets: quand les individus et les collectifs sociaux sont mis en danger par le travail en projet. Gerer & Comprendre, 90(90), 43–54.

Azim, S., Gale, A., Lawlor-Wright, T., Kirkham, R., Khan, A., and Alam, M. (2010). The importance of soft skills in complex projects. International Journal of Managing Projects in Business, 3(3), 387–401.

Boigey, P., Leyrie, C. et Boivin, S. (2022). Des parties prenantes aux parties engagées : vers une co-construction des projets. Dans Boivin, S., Leyrie, C., et Boigey, P. (Dir.), Pour des parties prenantes engagées dans les projets : réflexions théoriques et pratiques (p.1-42). Presses de l'Université du Québec.

Bonnet, J. (2012). Le management par projet à l’épreuve des différences sociocognitives de ses acteurs », Communication et organisation, 13.

Bourne, L. (2010, novembre). Stakeholder relationship management: Using the stakeholder circle methodology for more effective stakeholder engagement of senior management. 7th Project Management National Forum PMI Chapter, Rio de Janeiro, Brésil.

Bourne, L. et Walker, D. H. T. (2006). Visualizing stakeholder influence—two Australian examples. Project Management Journal, 37(1), 5-21.

Brady, T., & Davies, A. (2014). Managing structural and dynamic complexity: a tale of two projects. Project Management Journal, 45(4), 21–38.

Bureau de normalisation du Québec. (2022). Employeur remarquable. https://www.bnq.qc.ca/fr/normalisation/sante-au-travail/employeur-remarquable.html

Chédotel, F. (2005). L'improvisation organisationnelle. Concilier formalisation et flexibilité d'un projet. Revue Française De Gestion, 31(154), 123–140.

Drecq, V. (2017). Pratiques de management de projet : 46 outils et techniques pour prendre la bonne décision (2e éd, Ser. Stratégies et management). Dunod.

Eskerod, P., Huemann, M. and Savage, G. (2016). Project stakeholder management—past and present. Project Management Journal, 46(6), 6–14.

Foudriat, M. (2016). La construction sociale des représentations des cadres de direction sur l’organisation et les phénomènes d’aveuglement cognitif. Forum, 147(1), 27–27.

Foudriat, M. (2019). La co-construction : une alternative managériale. Presses de l’EHESP.

Foudriat, M. (2021). La co-construction en actes (Ser. Actions sociales. référence). ESF éditeur.

Freeman, R. E. (1984). Strategic management: A stakeholder approach. Cambridge University Press.

Garel, G. (2003). Le management de projet. Paris: La Découverte.

Garel, G. (2011). Le management de projet (Nouv. éd, Ser. Repères ; gestion, 377). La Découverte.

Gariépy, M. 2012. Participation publique et planification urbaine. Dans G. Beaudet, J.-P. Meloche et F. Sherrer (Dir.), Questions d’urbanisme (p. 43-48). Presses de l’Université de Montréal.

Gobeli, D. H., et Larson, E. W. (1987). Relative effectiveness of different project structures. Project Management Journal, 18(2), 81–81.

Ika, L. A., Diallo, A., & Thuillier, D. (2011). The empirical relationship between success factors and dimensions. International Journal of Managing Projects in Business, 4(4), 711–719.

Joffre, P. (2006). Le management stratégique par le projet (Ser. Collection gestion). Économica.

Jones, T. M. (1995). Instrumental stakeholder theory and paradigm consensus in business and society: advances on the methodological front. Proceedings of the Annual Meeting of the International Association for Business and Society, Vienna, Philosophy Documentation Center.

Keeys, L. A. et Huemann, M. (2017). Project benefits co-creation: Shaping sustainable development benefits. International Journal of Project Management, 35, 1196-1212.

Lehmann, V. (2022). L’avènement des parties prenantes contributrices aux projets. Dans Boivin, S., Leyrie, C., et Boigey, P. (Dir.), Pour des parties prenantes engagées dans les projets : réflexions théoriques et pratiques (p.1-42). Presses de l'Université du Québec.

Lehmann, V., Frangioni, M. et Dubé, P. (2015). Living lab as knowledge system: An actual approach for managing urban service projects? Journal of Knowledge Management, 19(5), 147-178.

Lehtinen, J. et Aaltonen, K. (2020). Organizing external stakeholder engagement in inter-organizational projects: Opening the black box. International Journal of Project Management, 38, 85–98.

Leyrie, C., et Boivin, S. (2017). Gestion de projet et co-construction : utopie ou voie du succès? une réflexion exploratoire. Revue Organisations & Territoires, 26(1-2), 117–129.

Libaert, T. (2013). La communication sensible. Dans B. Motulsky et V. Lehmann (Dir.), Communication et grands projets : Les nouveaux défis (p. 89–112). Presses de l’Université du Québec.

Loufrani-Fedida, S. (2012). Les acteurs du management des compétences dans les organisations par projets. Management & Avenir, 58(8), 14–14.

Missonier, S. et Loufrani-Fedida, S. (2014). Stakeholder analysis and engagement in projects: From stakeholder relational perspective to stakeholder relational ontology. International Journal of Project Management, 32(7), 1108–1122.

Morris, P. W. G. (2013). Reconstructing project management. John Wiley & Sons.

Müller, R., Sankaran, S., Drouin, N., Vaagaasar, A., Bekker, M. C., et Jain, K. (2018). A theory framework for balancing vertical and horizontal leadership in projects. International Journal of Project Management, 36(1), 83–94.

Pinto, J. K. (2002). Project management 2002. Research Technology Management, 45(2), 22–37.

Plan Monark (2020). Faire vivre l’exécution. https://planmonark.com/

Project Management Institute (2017). Guide du corpus des connaissances en management de projet (6e éd.). Project Management Institute.

Project Management Institute. (2004). Guide du corpus des connaissances en management de projet (3e éd.). Project Management Institute.

Project Management Institute. (2018). Réussir en des temps perturbés : Agrandir le paysage de la concrétisation d'une valeur pour endiguer le coût élevé des faibles performances, Pulse of the Profession. Répéré à pulse-of-the-profession-2018.pdf (pmi.org)

Scott-Young, C. M., Georgy, M., et Grisinger, A. (2019). Shared leadership in project teams: an integrative multi-level conceptual model and research agenda. International Journal of Project Management, 37(4), 565–581.

Stahlbröst, A. et Holst, M. (2012). The living lab methodology handbook.

The Standish Group International. (2015). Chaos Report 2015. Répéré à CHAOSReport2015-Final.pdf (standishgroup.com)

Turner, J. R. (1999). Project management: a profession based on knowledge or faith? International Journal of Project Management, 17(6).

Turner, J.R. (2010). Perspectives on projects. London: Routledge. Répéré à https://uqac.on.worldcat.org/oclc/670184902 Accessed 2020

Turner, J.R. et Müller, R. (2005). The project manager’s leadership style as a success factor on projects: a literature review. Project Management Journal, 36, 49–61

Nous joindre
Partager